Pratique courante dans le domaine aérien, les accords interlignes permettent aux compagnies d’étendre leurs réseaux et de toucher une plus large clientèle en limitant les investissements. Ils sont toutefois complexes à mettre en place et étonnement coûteux quand y regarde de plus près. Explications.
Face à la crise sanitaire sans précédent du COVID19, les compagnies aériennes se voient dans l’obligation de revoir leur stratégie, par notamment la fermeture de lignes et la baisse des fréquences.
Dans cet objectif de réduction des coûts, avec, malgré tout, la volonté de maintenir un avantage concurrentiel, elles vont chercher à nouer des partenariats entre elles via du partage de code (« code sharing ») ou des accords interlignes. Les annonces à l’automne 2020 d’American Airlines, qui a étendu son partenariat avec Alaska Airlines et JetBlue, en sont la preuve.
Les accords interlignes représentent aujourd’hui une part très importante du volume aérien global. Plus de 10% des billets vendus dans le monde intègrent plusieurs compagnies, ce qui représente un chiffre d’affaires de 52 milliards de dollars.
Or toute cette logistique a un prix. Jusqu’à présent, la baisse des dépenses passait majoritairement par la réduction des effectifs, moins de commandes d’appareils ou la renégociation des contrats de leasing. Aujourd’hui, d’autres leviers d’économies sont à l’étude, notamment ceux liés à la distribution.
Dans le domaine des accords interlignes, les compagnies ont deux choix : le recours aux modèles « historiques » ou des approches plus innovantes. Voyons ci-après les avantages et les inconvénients de chacune de ces approches concernant les accords interlignes.
Modèle historique
Beaucoup de compagnies ont recours au standard IATA pour gérer la distribution des offres interlignes. Malgré le coût et la charge administrative initiale, c’est une solution simple et uniformisée. Cela apporte également une sécurité financière, les flux de paiement entre compagnies étant gérés par ce même standard.
Cela a toutefois un prix. L’adhésion à ce programme de gestion des flux financiers (ICH) nécessite un dépôt initial de plus de 100 000$ auxquels viennent s’ajouter des frais mensuels. A cela, s’ajoutent les commissions payées au GSA (« General Sales Agent ») pour les compagnies non représentées en local. Elles ont notamment pour but de couvrir les frais de structure, d’émission, de vente et de marketing du représentant sur le marché en question.
Et ce n’est pas tout ; des charges supplémentaires sont à prévoir liées à l’émission des billets interlignes au format électronique, dont la mise en place du système peut varier de 3000$ à 9000$ (à doubler en cas d’accord bilatéral).
N’oublions pas le frais payé par la compagnie opérant le vol à celle ayant vendu le billet (de l’ordre de 9% du prix de vente) ainsi que celui lié à la technologie permettant l’enregistrement de bout en bout.
Pour résumer, si l’on devait faire le bilan du poids de ces charges directes, elles représenteraient presque 20% du billet hors taxes. Ce qui est considérable. Et cela, bien sûr, sans compter les coûts indirects comme les ressources mobilisées pour la mise en place et maintenance de systèmes informatiques, la comptabilité,…
Modèles innovants (« Virtual interlining »)
Un très bon exemple est celui d’EasyJet via son offre WorldWide.
Afin d’étendre son réseau au long-courrier, sans pour autant déroger à son modèle économique ou changer sa flotte, la compagnie a noué un partenariat avec Dohop, spécialiste du « Virtual Interlining »
Le principe est simple : faire appel à un agrégateur (Dohop, Kiwi.com,…) qui combine l’offre des compagnies, GDS et non GDS, sans que celles-ci n’aient besoin d’accord préalable. Les tronçons sont exploités de manière individuelle, et, à l’issue de la réservation, chaque compagnie émet ses propres confirmations. Le paiement est effectué en une seule fois et chaque fournisseur reçoit sa part en fonction des segments réservés. En cas d’imprévu, c’est l’agrégateur qui se charge de trouver des solutions alternatives.
Les atouts pour les compagnies sont multiples :
- Facilité et rapidité de mise en place
- D’importantes économies vs. canaux traditionnels
- Transfert du risque par l’externalisation de la gestion des impondérables
- Possibilité de distribuer les services complémentaires
- Plateformes de réservation directement intégrables aux sites web des compagnies
- Maîtrise des informations passager sur les segments qu’elle exploite
En s’affranchissant de la nécessité d’avoir, en amont, noué des accords interlignes, les possibilités de combinaison sont démultipliées, permettant ainsi de mixer des compagnies low-cost et traditionnelles.
Ce modèle n’a toutefois pas que des avantages. En effet, le « Virtual interlining » repose sur le principe « d’auto-transfert », ce qui signifie que c’est au passager de s’enregistrer sur chaque compagnie et, le cas échéant, de récupérer et de nouveau enregistrer ses bagages. Des progrès apparaissent toutefois en la matière, à l’image du service mis en place par l’aéroport de Gatwick (« Gatwick Connect ») permettant de faciliter le transfert des bagages pour ces voyageurs particuliers.
Reste la question du coût. La souplesse de ce modèle le rend particulièrement économique car il ne nécessite aucunement à la compagnie de revoir sa structure IT. Il serait de deux ordres :
- Un frais unique d’implémentation – de l’ordre de plusieurs milliers d’euros – variant selon la complexité,
- Un coût à la transaction, payé par le voyageur, pour l’utilisation de la plateforme et la Garantie de service. Le prix des billets étant souvent compétitifs, certains agrégateurs n’hésitent pas à appliquer des mark-ups importants, excédant parfois les 50€/réservation
Conclusion
A l’heure de la désintermédiation et de l’adoption de protocoles plus souples type NDC, il y a fort à parier que les modèles plus innovants vont prendre de l’ampleur. Au cours de l’Histoire, les crises ont souvent été synonymes, pour les entreprises, de remise en question des acquis et d’exploration de nouvelles opportunités. Malgré un historique fort, le secteur du transport n’échappe pas à la règle et doit impérativement se réinventer afin de se démarquer dans un environnement hyper concurrentiel.
Affaire à suivre donc…
Source: https://www.phocuswire.com/the-real-cost-of-issuing-an-interline-ticket